Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/120

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tranquille ; bon-heurs que vous souhaitte dès aujourd’huy et pour toûjours votre tres-humble et tres-affectionné futur espoux.

Jean Bedout.

Apres que Javotte eut bien escouté cette lettre, et qu’elle n’y eut rien entendu, elle crut que c’estoit faute d’y avoir esté assés attentive. Elle pria donc Bedout de la relire, ce qu’il fit tres-volontiers, croyant que c’étoit une marque de la bonté de la piece. Mais sur ce mot d’allegorie, elle l’interrompit avec un grand cri (disant) : Ha, mon Dieu, quel grand vilain mot ! N’y a-t-il rien de caché de mauvais là dessous ? Et comme il se mit en devoir de le luy expliquer, elle lui dit en l’interrompant derechef : Non, non, je ne le veux pas sçavoir, il suffit que maman m’a tousjours deffendu d’entendre dire de gros mots. Et sans vouloir entendre lire davantage, elle alla joindre sa mère. De sorte que Bedout fut reduit, faute de meilleur entretien, d’ayder à Javotte à devider quelques pelotons de laine.

Cependant madame Vollichon, avec son entretien bourgeois, faisoit beaucourp souffrir la pauvre Laurence, qui estoit une femme d’esprit et accoustumée à voir le beau monde. Elle luy avoit déjà fait des plaintes de l’embaras et des soins que donnent les enfans ; de la difficulté d’avoir de bonnes servantes ; et elle luy avoit demandé si elle n’en sçavoit point quelqu’une, parce qu’elle vouloit chasser la sienne, non sans luy raconter tous les défauts de celle-cy, et sans regretter les bonnes qualités de celles qu’elle avoit eues auparavant. Elle luy avoit aussi fait plainte de la despence de la maison et de la cherté des vivres, disant tousjours