Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/183

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Suite de l’histoire de Javotte.

Quand cette lecture fut achevée, chacun y applaudit, à la reserve de Charroselles, qui ne trouvoit rien de bon que ce qu’il faisoit. Il auroit peû mesme estre secondé d’Hyppolite, qui vouloit donner son jugement de tout à tort ou à travers ; mais comme il vid que l’examen de cette piece, s’il s’y engageoit une fois, pourroit tirer en longueur et empescher le dessein qu’il avoit d’en lire aussi une autre de sa façon, il pria Angelique de luy prester ce cahier pour en faire une coppie. Son dessein estoit de la faire imprimer par un faiseur de Recueils, et de faire passer à la faveur de cette piece quelqu’une des siennes pour le pardessus. Angelique dit qu’elle n’osoit pas prendre cette liberté, à cause que l’ouvrage n’estoit pas à elle. Je vous en donneray plustost un des miens (dit Charroselles) et je m’en vais vous le lire comme je vous l’ay promis. À ce mot Philalethe, ayant tressailly, se leva, et témoigna de s’en vouloir aller. Angelique se leva aussy pour luy faire quelques civilitez ; le reste de la compagnie en fit de mesme, dont Charroselles pensa enrager, voyant qu’on luy avoit ainsi rompu son coup, car il se faisoit tard, et il luy fut impossible de faire rasseoir personne. Il y eut encore quelques petits entretiens tout debout et separez, et surtout entre Javotte et Pancrace, qui fit dessein deslors de s’attacher tout à fait à elle. Comme il aimoit bien autant le corps que l’esprit, il trouva sa beauté si admirable, qu’elle luy esta le dégoust que d’autres en auroient pû avoir, pour