Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/199

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nostre estat n’est pas si bien policé, je m’étonne peu que mademoiselle Javotte n’ait pas reglé ses desirs conformément à cette loy. Elle a eu peut-estre raison de ne pas trouver en moy assez de merite ; mais son refus n’empeschera pas que je ne sois encore disposé à luy rendre service. Je luy auray du moins cette obligation, qu’elle m’empeschera peut-estre de me marier jamais. Car j’advouë que ce qui m’en avoit dégousté jusqu’à present, ce sont toutes ces approches et ces galenteries qu’il faut faire, qui ne sont point de mon genie ni de mon humeur. J’avois dessein de me marier de la façon que je vois faire à quantité de bons bourgeois, qui se contentent qu’on leur fasse voir leur maistresse à certain banc ou à certain pilier d’une église, et qui luy rendent là une visite muette, pour voir si elle n’est ny tortuë ny bossuë ; encore n’est-ce qu’apres estre d’accord avec les parens de tous les articles du contract : toutes les autres ceremonies sont purement inutiles. J’en ay tant veu reüssir de la sorte, que je ne croyois pas que celuy-cy eust une autre issuë ; mais, puisque j’y ay esté trompé, il faut que j’essaye de m’en consoler avec Seneque et Petrarque, ou avec monsieur de la Serre, que je liray exprès dès ce soir.

Cessons, reprit Vollichon, d’examiner de quelle maniere on doit traitter les mariages, puisque ce seroit mettre l’authorité paternelle en compromis ; mais, en attendant que j’aye appris à ma fille à m’obeyr, je ne sçaurois assez vous témoigner le déplaisir que j’ay que cette affaire ne s’accomplisse pas avec vous : car vous avez la mine d’estre bon ménager et de bien reüssir au barreau, si on vous employe. J’avois envie de vous donner bien de la pratique, et, pour vous le monstrer,