Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/213

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fans dans la crainte de Dieu, qu’on la fit resoudre au mariage, avec la mesme peine qu’un criminel se resoudroit à la mort.

Laurence en advertit aussitost son cousin, qui, ménageant brusquement cette occasion, fut si aise d’avoir, à son advis, suborné une religieuse, qu’il ne chicana point comme l’autrefois sur les articles, et il s’enquit fort peu de son bien, se contentant d’apprendre, par le bruit commun de la religion, qu’elle en avoit beaucoup, ne croyant pas que des gens devots pussent mentir, ny faire un jugement temeraire. D’avantage elle eut l’adresse de faire acheter beaucoup de meubles necessaires pour un honeste ménage, dont elle ne paya qu’un tiers comptant, car elle eut facilement credit du surplus. C’est à quoy elle employa utilement les deux mille escus qu’elle avoit receu de Nicodeme, qui parurent beaucoup davantage. Et comme on a maintenant la sotte coustume de dépenser en meubles, presens et frais de nopces la moitié de la dot d’une femme58, et quelquefois le tout, ce ne fut pas une legere amorce pour Bedout de voir qu’il épargnoit toute cette dépense


58. « L’utile et la louable pratique, dit La Bruyère, de perdre en frais de noces le tiers de la dot qu’une femme apporte ! de commencer par s’appauvrir de concert par l’amas de choses superflues, et de prendre déjà sur son fonds de quoi payer Gaultier (marchand d’étoffes), les meubles et la toilette. » (Les Caractères, de la Ville, § 18.)

À peine est elle entree en sa quinzième année ;
Il l’epouse, pourtant ; la parole est donnee,
Et dejà de ses biens le futur héritier
S’attend d’en voir passer la moitié chez Gautier.

(Satyre nouvelle sur les promenades de Paris, etc., Paris, 1699, in-8., p. 7.)