Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/261

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autres semblables, jusqu’au nombre de vingt-cinq, par des officiers de cour souveraine, avec quelque legere recommandation, et bien plus de facilité ; car tous les hommes péchent volontiers par exemple, et, comme s’ils estoient au bal, se laissent conduire par celuy qui meine la bransle. Tant y a qu’apres ces témoignages authentiques (que le seigneur garda pardevers luy comme ses garends) il ne put se deffendre d’agréer un homme qui se rendit aussi fameux par son ignorance, que les autres l’auroient pû faire par leur doctrine.

Aussi-tost, le nouveau pourveu publia que sa promotion à cette charge estoit un ouvrage de la providence divine ; et pour preuve (disoit-il) qu’elle s’estoit meslée de son affaire, c’est qu’il avoit obtenu tant de certificats de capacité de personnes qui ne l’avoient jamais veu ny conneu. Le curé mesme de la paroisse l’appela, dans son prosne, prevost Dieu-donné, trompé par les premieres apparences qu’il luy donna de devotion.

Quand il fust installé dans son siege, le premier reglement qu’il fit, ce fut d’ordonner que les procureurs, greffiers, sergens et autres officiers escriroient doresnavant tous leurs actes en lettre italienne bastarde. Car, comme il escrivoit à la manière des nobles, c’est à dire d’un caractère large de deux doigts, il ne pouvoit lire que cette sorte d’escriture. Il appeloit chicane tout ce qu’il voyoit escrit en minutte, et il adjoustoit qu’il avoit tousjours oüi dire que la chicane estoit une méchante beste, qu’il ne la vouloit point souffrir dans sa justice. S’il desiroit voir quelques expéditions ou procedures, il disoit : Apportez-moy un papier, nommant de ce nom general tous les actes qui se font en justice, de mesme que font les bonnes gens qui n’ont