Page:Furetière - Le Roman bourgeois.djvu/281

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettre ne fut renduë à son adresse, et, à l’ouverture des boëstes, on trouva pour toutes choses des souris que des malicieux y avoient mises.

Ce qu’on peut apprendre neantmoins du succes de cette lettre, par les conjectures, c’est que le stile en plut fort à Collantine, comme estant tout à fait selon son genie, et elle en conceut une nouvelle estime pour Belastre, le jugeant digne par là d’estre poursuivy plus vivement, comme elle fit en effet ; car elle avoit reformé ce proverbe commun : Qui bien aime, bien chastie, et elle disoit, pour le tournerà sa maniere : Qui bien aime, bien poursuit. Belastre, de son costé, poursuivoit sa pointe, et, sans préjudice de ses droits et actions, c’est à dire de ses procès, qui alloient tousjours leur train, il ne laissoit pas d’employer ses soins à faire la cour à Collantine et à lui conter des fleurettes aussi douces que des chardons. Il luy envoyoit mesme les chef-d’œuvres des patissiers, des rotisseurs, et semblables menus presens qu’il recevoit en l’exercice de sa charge. Il luy donnoit les bouquets que luy presentoient les jurées bouquetieres ou les maîtres de confrairies ; il luy faisoit bailler place commode dans les lieux publics, pour voir les pendus et les rouez qu’il faisoit executer106. Et, enfin, comme le singe des autres galands, poëtes ou non, qui ne croyoient pas bien faire l’amour à leur maistresse s’ils ne lui envoyoient des vers, il ne voulut pas negliger cette formalité en faisant l’amour


106. Encore une idée de la même famille qu’une des plus plaisantes de Molière et de Racine. Thomas Diafoirus, dans le Malade imaginaire, offre à Angélique de lui faire voir une dissection. Dans les Plaideurs, il y a un passage qui rappelle