Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et façonner si lestement les bûches de hêtre de la montagne.

Vers le milieu de l’après-midi, la carriole dont avait parlé le père Étienne s’arrêta sur la grande route ; le charretier, comme cela était convenu, siffla de tous ses poumons pour avertir les jeunes voyageurs.

A ce signal, André et Julien saisirent rapidement leur paquet de voyage ; ils embrassèrent de tout leur cœur la mère Étienne, et aussitôt le sabotier les conduisit vers la carriole.

Après une nouvelle accolade, après les dernières et paternelles recommandations du brave homme, les enfants se casèrent dans le fond de la carriole, le charretier fit claquer son fouet et le cheval se mit au petit trot.

Le père Étienne, resté seul sur la grande route, suivait des yeux la voiture qui s’éloignait. Il se sentait à la fois tout triste et pourtant fier de voir les enfants partir.

— Brave et chère jeunesse, murmurait-il, va, cours porter à la patrie des cœurs de plus pour la chérir !

Et lorsque la voiture eut disparu, il revint chez lui lentement, songeur, pensant au père des deux orphelins, à son vieil ami d’enfance qui dormait son dernier sommeil sous la terre de Lorraine, tandis que ses deux fils s’en allaient seuls désormais au grand hasard de la vie. Alors une larme glissa des yeux du vieillard : — Juste Dieu, murmura-t-il, bénis et protège cette jeunesse innocente et sans appui !



VI. — Une déception. — La persévérance.


Il n’est guère d’obstacle qu’on ne puisse surmonter avec de la persévérance.


Une déception attendait nos jeunes amis à leur arrivée dans la maison isolée du garde Fritz, située aux environs de la forêt. Fritz, grand vieillard à barbe grise, d’une figure énergique, était étendu sur son lit qu’il n’avait pas quitté depuis plusieurs jours. Le vieux chasseur était tombé en descendant la montagne et s’était fait une fracture à la jambe.

— Voyez, mes enfants, dit-il après avoir lu la lettre ; je ne puis bouger de mon lit. Comment pourrais-je vous conduire ? Et je n’ai auprès de moi que ma vieille servante, qui ne marche pas beaucoup mieux que moi.

André fut consterné, mais il n’en voulut rien faire voir pour ne point inquiéter le petit Julien