Page:G. Bruno - Le Tour de la France par deux enfants, 1904.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tout le temps debout sur le seuil de sa porte, elle finit par dire :

— Entrez toujours, je vous coucherai ce soir ; après cela nous verrons, vous et moi, ce que nous avons de mieux à faire.

Les deux enfants fort interdits entrèrent dans la maison de la vieille dame. Elle ouvrit un cabinet où il y avait un grand lit, deux chaises et une petite table.

— C’est l’ancienne chambre de mon fils, dit-elle ; mon fils est mort dans la dernière guerre.

Elle s’arrêta, poussant un long soupir. — Prenez sa chambre pour ce soir, ajouta-t-elle ; plus tard nous verrons.

Elle referma la porte brusquement et s’éloigna, les laissant fort attristés de l’accueil qui leur était fait. Julien surtout était confondu, car il voyait que la vieille dame se méfiait d’eux ; il se jeta au cou de son frère.

— Oh ! André, s’écria-t-il, il vaudrait mieux aller ailleurs. Nous serons trop malheureux de passer un mois chez quelqu’un qui nous prend, bien sûr, pour des vagabonds… Pourtant, ajouta l’enfant, nous sommes bien propres, et nous nous étions présentés si poliment !

— Julien, dit André courageusement, ailleurs ce serait sans doute tout pareil, puisque personne à Épinal ne nous connaît. Ici, au moins, nous sommes sûrs d’être chez une brave et digne femme, car la fermière nous l’a dit. Tu sais bien, Julien, qu’il ne faut pas juger les gens sur la mine. Au lieu de nous désoler, faisons tout ce que nous pourrons afin de gagner sa confiance… Pour commencer, puisqu’il n’est pas encore sept heures, je vais lui demander où demeure le maître serrurier pour lequel j’ai une recommandation. J’irai le voir tout de suite, et si j’obtiens de l’ouvrage, la dame Gertrude verra bien que nous sommes d’honnêtes enfants qui voulons travailler et gagner son estime. Tu sais bien, Julien, qu’on estime toujours ceux qui travaillent.

— Et moi ? dit Julien.

— Toi, mon frère, reste à m’attendre : je crois que cela vaut mieux.

Et André partit dans la direction que lui indiqua la mère Gertrude, tandis que Julien, poussant un gros soupir, regardait son frère s’éloigner.

— Oh ! combien nous serons heureux, pensait-il, quand nous aurons retrouvé notre oncle, que nous aurons une maison