Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/38

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Déjà sa chope était à moitié vide, lorsque la porte du café s’entrebâilla discrètement, et une tête barbue apparut qui interrogeait l’horizon des consommateurs.

Greluchet reconnut cette tête.

Ce n’était pas le messager du Seigneur, le banquier de la Providence…

C’était Cahusac, le bohême qui travaille quelquefois et qui ferait de si charmants articles, s’il prenait la peine de garder la monnaie de sa conversation. Cahusac cause, il n’écrit pas ; c’est un artiste en mots, il pétille comme un feu d’artifice ; et quand l’esprit lui manque, il se sauve par la méchanceté. C’est du fiel champanisé.

Greluchet ne connaissait que trop ce Rivarol de brasserie ; son flanc portait encore une plaie ouverte. Cahusac avait lancé plus d’un mot terrible à son adresse.

Greluchet est sans rancune. Il s’ennuyait tout seul, il appela son bourreau.

Cahusac hésita, mais il avait soif aussi, et il entra.

— Hein ! cria Greluchet, est-ce assez infect ?

Trois bourgeois qui jouaient aux dominos levèrent la tête, et Greluchet fut content, il faisait sensation.