Page:Gaboriau - Les Gens de bureau, Dentu, 1877.djvu/66

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Chaque pièce révèle la nationalité gastronomique de ceux qui l’occupent : il y a le bureau des Alsaciens qui sent la choucroute, et le bureau des Provençaux qui sent l’ail.

L’étranger qui arrive à Paris et va visiter la ménagerie au Jardin des Plantes, ne regarde pas à donner la pièce aux gardiens pour assister au repas des bêtes. De même, pour étudier l’employé de l’Équilibre, il faut arriver à l’heure où il prend sa nourriture. À ce moment les caractères se dessinent, les personnalités s’accusent, les situations se révèlent.

Caldas, qui a bien voulu me servir de cornac quelquefois, m’a promené certain jour dans le dédale de son ministère entre midi et trois heures ; car tous les employés, depuis la nouvelle mesure, ne mangent pas au même moment.

Mon ami m’a fait voir l’employé sobre, qui grignote l’antique petit pain d’un sou et se désaltère de l’eau tiède de la carafe qui mijote sur la cheminée ; c’est un père de famille gêné, à moins que ce ne soit un libertin qui nourrit un vice aux dépens de son estomac.

Il m’a montré aussi l’employé goinfre, qui engloutit et digère des montagnes de charcuterie ; l’employé gourmet, qui traite son ventre comme un ministre, qui élabore son café, mélange d’amateur, dans une cafe-