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ISOLINE

un teinturier, les bras bleus jusqu’au-dessus du coude, trempe diverses loques dans l’eau qui roule sur la chaussée de pierres, et, pour un instant, teinte les premières lames de nuances invraisemblables.

Là, tout près, ballottée d’une façon inquiétante, une vieille embarcation aux planches vermoulues, dont toute trace de peinture a disparu, emplie déjà de passagers, semble attendre le moment du départ. Ceux qui s’entassent dans cette barque sont des ouvriers en habit de travail, souillés de plâtre et de boue, des paysannes proprettes, le petit fichu de couleur croisé sur la poitrine, la jolie coiffe bretonne, dont chaque bourg change la forme, palpitant sur leurs cheveux. À l’arrière deux sœurs trinitaires, le visage encadré d’un bonnet plissé sous le voile noir, font bruire les croix et les chapelets perdus dans les plis de leur robe de bure.

La barque est plus que pleine et pourtant de nouveaux arrivants la hèlent et sautent sur l’avant encombré, sans que les passagers paraissent surpris de cette surcharge.

Ils échangent seulement quelques phrases insignifiantes :