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ISOLINE

yeux gris, inquiets et comme honteux, de cette physionomie qui se fronce et grimace à chaque moment ; cet ensemble ne lui semble pas très digne d’intérêt et il persiste à regarder rêveusement le paysage.

Le faible écho, aussitôt éteint, qu’éveillent les phrases jetées par l’abbé, le fait se réfugier dans une lecture attentive de son bréviaire.

Déjà on a franchi la grande baie qui s’arrondit devant Saint-Suliac, curieux village couleur de cendre qui groupe tout au bord de l’eau ses chaumières moussues autour de la tour gothique de sa vieille église. Le port Saint-Jean, le port Saint-Hubert, filent à droite et à gauche ; un creux de vallée découvre un instant le gros bourg de Plouer et de blancs hameaux apparaissent dans la verdure, les uns près, les autres plus loin, sur la hauteur.

Après l’écluse du Châtelier, le vent, tout à l’heure si vif, mollit brusquement. La menace de pluie s’est dissipée, le ciel est maintenant d’un gris doux et l’eau calme, argentée, reflète comme un miroir.

Damont, en mâchonnant des jurons, largue toute la toile ; l’autre matelot, Pirouette, empoigne la godille pour aider aux voiles.