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ISOLINE

comme celui d’un parfum plus ou moins doux. Il n’a pas pénétré davantage dans l’intimité de l’âme de ses amantes exotiques qu’il ne s’est enfoncé dans les profondeurs des forêts vierges dont la lisière fleurie lui souriait : à peine quelques pas à travers les lianes emmêlées, à peine quelques fissures au voile tissé par le langage incompris et la frégate, planant vers la haute mer, rouvrait déjà ses larges ailes et reprenait sa proie.

La mer et sa lourde solitude, voilà tout ce qu’il retrouvait dans son cœur ; la terre lui était comme étrangère ; jamais il n’avait la sensation d’être ni loin ni près, rien ne l’aimait et il n’aimait rien ; aussi la mort qui venait de le frôler ne lui avait-elle pas arraché un soupir de regret.

— « Tous les marins sont ainsi, » se disait-il. Mais sa résignation n’était qu’extérieure et bien souvent, sur la mer calme, sans que son froid visage en laissât rien voir, des tempêtes se déchaînaient en lui.

En ce moment, où il cherchait à éprouver un peu de cette impatience joyeuse du retour, il discernait mieux que jamais le dénuement de son âme.

— « Le spleen ! »

Ce mot lui venait aux lèvres, et il se sentait