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ISOLINE

pecteur des contributions indirectes, ce qu’on appelle en province un rat-de-cave ; il allait dans les débits de boissons, les cafés, les hôtels, et comptait les tonneaux pleins et les bouteilles. Il parlait beaucoup des tours qu’on tâchait de lui jouer, des doléances des débitants et de son habileté à échapper à leurs ruses. C’était un grand homme sec, avec une voix de basse taille, qui lisait la Patrie après son dîner et s’endormait dessus, lorsqu’il n’allait pas au cercle, place Du Guesclin.

Ce soir-là, qui était la veille des Rameaux, il vint quelques dames chez les Aubrée, la belle-sœur de Sylvie, Mme Paul Aubrée dont le mari était médecin et qui habitait à quelques maisons de là, Mme Rochereuil, la femme du maire, et sa fille Marguerite, une grande blonde, maigre, au teint voilé de taches de rousseur, et une vieille fille, Mlle Taffatz, qui avait été maîtresse de pension.

On apporta la cave à liqueurs et des langues-de-chat ; une des lampes de la cheminée fut allumée.

Les petites filles vinrent embrasser tout le monde à la ronde et allèrent se coucher, emportant chacune une langue-de-chat, et les bavardages avec l’accent traînant du pays s’emmêlèrent.