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ISOLINE

Isoline, ces grands yeux qui s’ouvraient comme des fleurs, cette chair pareille à celle des camélias du jardin, lui noyaient le cœur de tendresse : elle se croyait vouée à la garde d’un ange ; mais cet ange, sans cesser d’être adorable, devint un diable en grandissant. Marie vécut alors dans des transes continuelles, ne songeant qu’à sauver l’enfant des dangers où il lui semblait qu’elle se jetait sans cesse. C’étaient des courses folles avec la chèvre nourricière sur les pentes rapides du parc en amphithéâtre, des escalades des arbres où les habits restaient, où les petites jambes s’écorchaient, des pataugeages dans les mares qui faisaient de ce chérubin un égoutier. Tout devint sujet de terreur pour la pauvre mère d’élection : la flamme des bougies, le feu de la cheminée, l’étang, la hauteur des fenêtres. L’enfant, effrénée de jeux et de mouvement, ne lui laissait pas de repos, la torturait, mais l’aimait avec passion. Il y avait des heures très douces où elle venait, avec les caresses les plus tendres, sécher les larmes qu’elle avait arrachées par ses caprices fous à son adorable nourrice.

Jamais Marie ne sortait du château ni du parc, et sans les quelques domestiques de la maison ces