Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/113

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prise il en tira un papier couvert de caractères.

Il poussa un cri et essaya de lire, mais en vain. Un voile rouge frissonnait devant ses yeux, le sang sifflait à ses oreilles ; il eut peur de s’évanouir et reposa sa tête sur l’oreiller. Il parvint cependant à se calmer et reporta ses yeux sur l’écriture. C’était un quatrain élégamment combiné. Le prince le lut avec une émotion indicible :

« Deux fleurs s’épanouissent sur les bords d’un ruisseau. Mais, hélas ! le ruisseau les sépare.

« Dans chaque corolle s’arrondit une goutte de rosée, âme brillante de la fleur.

« L’une d’elles, le soleil la frappe. Il la fait resplendir. Mais elle songe : pourquoi ne suis-je pas sur l’autre rive ?

« Un jour, ces fleurs s’inclineront pour mourir. Elles laisseront tomber comme un diamant leur âme lumineuse. Alors les deux gouttes de rosée pourront se rejoindre et se confondre. »

— C’est un rendez-vous qu’elle me donne, s’écria le prince, plus loin, plus tard, dans l’autre vie. Elle a donc deviné mon amour ! elle m’aime donc ! Ô mort, ne pourrais-tu te hâter ? ne pourrais-tu rapprocher l’heure céleste de notre réunion ?

Le prince put se croire exaucé, car, se renversant sur les coussins, il perdit connaissance.