Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/159

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tu établiras ta résidence à Yédo, la ville la mieux située du royaume. Maintenant le but que tu dois atteindre en gouvernant le pays, je vais tâcher de te le montrer clairement Taïko-Sama, qui était un homme de génie, bien qu’il fût le fils d’un paysan, conçut le plan, dès qu’il fût au pouvoir, de faire des soixante et un petits royaumes dont se compose le Japon un royaume unique ayant pour chef le siogoun. Ce projet, la vie d’un homme n’était pas assez longue pour le voir se réaliser. Taïko l’entreprit néanmoins avec vigueur tout en cachant soigneusement ses intentions. Moi seul, je fus le confident de ses pensées, et jusqu’à ce jour, je ne les ai révélées à personne. Lorsque Taïko jeta les princes dans cette guerre contre la Chine, qui parut aux yeux de beaucoup un acte de folie, c’était pour affaiblir les seigneurs par une guerre dispendieuse et les tenir pendant quelque temps éloignés de leurs principautés. Tandis qu’il les conduisait au combat, j’accomplissais, moi, ses ordres. Je fis construire le Tokaïdo, cette large route qui traverse insolemment les contrées soumises autrefois aux seuls princes ; je fis venir a Osaka les femmes, les enfants des seigneurs absents, sous le prétexte de les mettre à l’abri de tout danger si, par malheur, l’armée chinoise envahissait le pays. Lorsque les princes revinrent, on refusa de laisser partir les femmes. Elles durent résider définitivement à Osaka ; elles y sont encore, précieux otages qui répondent à la fidélité des seigneurs de la terre. Comme Taïko était aussi un grand homme de guerre, la victoire vint couronner son entreprise hasardeuse et affermir sa puissance.

Le mikado depuis longtemps déjà s’occupait fort peu des affaires du royaume. Taïko trouva bon qu’il