Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/174

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Le soleil était couché, la nuit montait rapidement, cependant, le ciel, encore pourpré, ensanglantait le fleuve. On voyait quelques grands bateaux amarrés près des berges, d’autres barques rentraient venant de la mer, les matelots abaissaient les voiles en roseaux tressés, on entendait le bruit de l’anneau glissant le long du mât ; quelques pécheurs, gravissaient les escaliers à pic et traînant leurs filets mouillés, regagnaient leurs habitations.

Déjà on allumait les grandes lanternes en forme de carré long, aux façades des débits de thé ; des clameurs joyeuses commençaient à s’échapper de leurs jardins, de leurs salles ouvertes.

Le prince, suivi de Loo, se dirigea vers le plus bruyant de ces établissements ; mais, à sa grande surprise, lorsqu’il pénétra dans la galerie déjà pleine de monde, il fut salué par des acclamations enthousiastes.

— C’est mon brave Sado qui me vaut cette popularité, se dit-il.

— Le seigneur ! le seigneur ! criait-on.

— Que l’on apporte du saké ! Éventrons les tonneaux ! Le daïmio veut que l’on soit ivre !

— Nous le serons ! nous le serons ! au point de ne pas distinguer la lune d’avec le soleil !

— Mais il faut beaucoup de saké, beaucoup, beaucoup ! Alors nous pourrons chanter l’antique chanson de Daïnogon-Ootomo.

Ils entonnèrent en chœur cette chanson :

« Y a-t-il quelque chose au monde de plus précieux que le saké ?

« Si je n’étais un homme, je voudrais être un tonnelet. »

Cependant un matelot, nu jusqu’à la ceinture, à la