Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/203

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frappait ainsi sans se montrer ? les sentinelles n’avaient aperçu qu’un frêle canot, monté par trois hommes qui, effrontément, cramponnés au navire, cognaient à tour de bras sur sa coque et l’éventraient, puis s’enfuyaient en les narguant.

Donc, plus de vaisseaux ; les chaloupes même leur manquaient, aucun moyen de quitter l’île. Ils s’y étaient établis comme dans une forteresse, entourée d’un immense fossé. Protégés par leurs jonques de guerre, c’était, en effet, une excellente position. Mais maintenant la forteresse devenait pour eux prison ; si de prompts secours ne leur arrivaient pas, ils étaient perdus. Le chef qui commandait ces deux mille hommes — il se nommait Sandaï, — ordonna de choisir parmi les misérables bateaux appartenant aux habitants de l’île les deux meilleures barques. Lorsqu’on eut exécuté cet ordre, il fit monter cinq hommes dans chaque barque.

— Vous allez partir en toute hâte, leur dit-il, vous rejoindrez le gros de l’armée, et vous direz au général dans quelle détresse nous sommes ; allez.

Les barques s’éloignèrent, mais lorsqu’elles furent à une petite distance, elles aperçurent un cercle de grandes voiles immobiles, qui leur fermait la route.

Les barques rebroussèrent chemin.

On était bloqué.

Sandaï fit réunir les provisions. On prit les bestiaux, les récoltes des habitants. Il y avait de quoi vivre pendant huit jours ; de plus, on pouvait pêcher du poisson.

— Il faut construire de grands radeaux et tâcher de gagner la terre, la nuit, sans être vu, dit le chef.

On se mit à l’œuvre, on abattit des arbres, on les dépouilla de leurs petites branches ; la journée se