Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/227

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l’Océan Pacifique, les jonques entrèrent dans le port de Kotsi. La ville était toute frissonnante de bannières, de banderoles, de lanternes, les rues étaient jonchées de branches en fleur. Le souverain, à la tête de ses troupes victorieuses, faisait une rentrée triomphale.

Quand ils eurent dépassé la ville et franchi l’enceinte du château, le prince conduisit lui-même Fatkoura au pavillon qu’il lui destinait. C’était le palais de la reine de Toza, morte depuis quelques années.

— Je suis très-peiné que les clameurs joyeuses qui m’ont accueilli aient frappé ton oreille, dit le prince à sa prisonnière ; je ne pouvais m’opposer à ce que mon peuple fît éclater sa satisfaction, mais je soufrais à cause de toi.

— Je n’ai rien entendu, ma pensée était ailleurs, répondit Fatkoura.

Le prince fut quelques jours sans rendre visite à la jeune femme. Son amour naissant le rendait timide, et il s’étonnait de ce sentiment nouveau pour lui.

Un matin il vint se promener seul dans la partie du parc occupée par Fatkoura.

Tika le guettait, elle ne dit rien à sa maîtresse et se laissa voir sur la galerie. Le prince lui fit signe de venir près de lui, elle obéit.

— Est-elle toujours aussi triste ? lui demanda-t-il.

— Toujours.

— Elle me hait, n’est-ce pas ?

— Je ne sais, dit Tika.

— J’ai laissé échapper l’autre jour devant toi un aveu que j’aurais dû taire, dit le prince ; l’as-tu rapporté à ta maîtresse ?

— J’ai l’habitude de ne rien lui cacher, seigneur.

— Ah ! demanda vivement le prince, qu’a-t-elle dit en apprenant mon amour pour elle ?