Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/239

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dédaigneux sur les lèvres ; on l’avait délivré de ses chaînes, il jouait avec son éventail.

Deux bourreaux marchaient derrière lui, jambes nues, vêtus de tuniques noires serrées par une ceinture traversée d’un long sabre.

Il mit le pied sur la natte blanche qui devait, quelques minutes plus tard, être rougie par son sang, puis il leva la tête.

Fatkoura eut alors un singulier tressaillement.

Celui qui était devant elle n’était pas le prince de Nagato.

Le regard de la femme éprise, qui s’était si souvent et si longuement arrêté sur le visage du bien-aimé ne pouvait se tromper, même à une ressemblance qui trompait tout le monde. Elle n’hésita pas une minute. Elle ne retrouva ni l’éclat du regard, ni la mélancolie du sourire, ni l’orgueil du front, de celui qui emplissait son cœur.

— Je savais bien qu’il ne pouvait être vaincu et humilié, se disait-elle, prise d’une folle joie qu’elle avait peine à dissimuler.

On lisait la sentence au prisonnier.

Elle le condamnait à avoir les mains, puis la tête tranchées.

— L’infamie que tu viens de m’annoncer, c’est toi qu’elle déshonore, s’écria le condamné. Mes mains n’ont jamais commis que de nobles actions et ne méritent pas d’être détachées des bras qui les ont guidées. Mais invente les supplices qui te plairont, torture-moi comme tu le voudras, je demeure le prince et tu t’abaisses au rang de bourreau. Moi, je me suis battu de toute ma puissance contre les ennemis de notre légitime seigneur ; toi tu l’as trahi pour un autre qui le trahissait, et tu es venu sournoisement, sans