Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/246

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— Yoké-Moura, lui dit-il, ma confiance en ta grande valeur et en ton dévouement pour ma personne m’empêchent seuls de t’ordonner de commencer immédiatement l’attaque. Voici trois grands jours de perdus. Que fais-tu donc ? Pourquoi t’attardes-tu ainsi ?

— Je ne pouvais commencer avant d’avoir trouvé quelque chose que je cherchais, dit Yoké-Moura.

— Que veut dire ceci ? s’écria le siogoun saisi par une affreuse inquiétude.

À son tour il se demandait si le général avait perdu l’esprit ; il le regarda, le visage du guerrier exprimait une tranquillité joyeuse.

— On m’a dit en effet, reprit Fidé-Yori, que depuis quelque temps tu erres nuit et jour comme un insensé.

— Je me repose à présent, dit le général, j’ai trouvé ce que je cherchais.

Le siogoun baissa la tête.

— Décidément, pensa-t-il, il est fou.

Mais Yoké-Moura répondit à sa pensée.

— Attends à demain pour me juger, dit-il, et ne t’inquiète pas, maître, si tu entends du bruit cette nuit.

Il s’éloigna après avoir dit ces mots, et alla donner des ordres à ses soldats.

Il fit sortir deux mille hommes de la ville, qui allèrent camper sur une petite éminence, en vue de l’ennemi.

— On se prépare à l’attaque, disait-on dans Osaka.

Le peuple envahit les collines, les tours des pagodes, tous les lieux élevés.

Fidé-Yori lui-même monta, avec quelques courtisans, au dernier étage de la grande tour des Poissons d’or, au centre de la forteresse.

De là il voyait dans la plaine les soldats d’Aroufza, huit mille hommes environ, et plus loin, dénoncés par quelques miroitements des armes et des cuirasses,