Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/276

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ils croyaient voir en mon cheval le sanglier sur lequel se tient debout le dieu des batailles. Je me tordais de rire, et plus je riais, plus ils avaient peur ; alors, je traversai la forêt au pas, prenant mes aises, allumant ici une bannière, là un arbre mort ou un paquet de fourrage.

— Jamais je n’aurais cru qu’une armée de braves puisse être terrifiée ainsi par un enfant ! s’écria Raïden, qui riait de tout son cœur.

— Si tu les avais vus, disait Loo, comme ils marmottaient, comme ils tremblaient. Aussi, il y avait de quoi, on disait de tous côtés qu’un revenant avait étendu son bras armé d’un glaive vers Hiéyas, qui était aussitôt tombé mort.

— Oui, dit Nata, nous avons été pris pour une légion de fantômes.

La lueur de la forêt en flammes envahissait le ciel jusqu’au zénith. Le prince tournait la tête et regardait.

— Loo, dit-il, j’ai à me louer tous les jours de t’avoir emmené avec moi ; tu as l’intrépidité d’un héros et, sous ta frêle enveloppe, le cœur d’un lion. Les deux actions que tu viens d’accomplir méritent une récompense éclatante : je te donne le titre de samouraï.

Loo, en entendant cela, demeura tout interdit d’émotion. Il regarda Raïden qui chevauchait à côté de lui, puis tout à coup se jeta dans ses bras.

Sur l’ordre du prince quelques hommes descendirent de cheval et, du bout de leurs sabres, creusèrent une tombe au bord du chemin pour y ensevelir la tête de l’héroïque Sado.

— Nous viendrons la reprendre plus tard afin de lui rendre les honneurs qu’elle mérite, dit le prince.