Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/331

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veillait d’un cauchemar. Il allait être permis encore d’être belle, de sourire, de se parer.

Elles couraient aux grands coffres de laque et en tiraient, au milieu d’un parfum de musc et de bois précieux, les robes superbes qu’elles y avaient ensevelies, pour adopter des toilettes plus sombres. C’était sur le sol un amoncellement admirable de satin, de soie, de crêpe, des couleurs les plus tendres. Mais on trouvait ces toilettes un peu fanées et froissées, et l’on faisait venir les fabricants, les tailleurs, les brodeuses.

La cour annonça pour le soir même une fête sur l’eau, à laquelle pourraient prendre part les riches habitants d’Osaka. Ce fut une fièvre. On n’avait que peu de temps pour se préparer, pour orner les embarcations.

Le soir vint ; le fleuve s’illumina.

Des milliers de barques, portant des guirlandes de lanternes, quittèrent les rives et se mirent à glisser lentement, en remontant et en descendant le fleuve.

Les bateaux de la cour arrivèrent bientôt. Plus larges, plus beaux que les autres embarcations, ils étaient tapissés d’étoffes de soie, qui débordaient et traînaient sur l’eau, éclairés par d’énormes lanternes rondes en gaze ou en verre peint, environnés du frissonnement multicolore d’innombrables banderoles. Sous l’abri de tentes magnifiques, étendues nonchalamment sur des coussins, au milieu des plis nombreux de leurs toilettes, des femmes gracieuses apparaissaient à la clarté douce des lumières. On voyait luire les broderies de leur kirimon et les grandes épingles rayonnantes de leurs coiffures. Des seigneurs étaient près d’elles, leur disant mille folies dont elles riaient en renversant un peu la tête. De longs serpents lumineux dansaient sur l’eau.

À l’endroit le plus large du fleuve, là ou les berges,