Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/343

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et produisent le plus brillant effet. Sous les toitures sont accrochées, aux poutres rouges qui s’entrecroisent, d’énormes lanternes, rondes au rez-de-chaussée, carrées à l’étage supérieur. Sur la crête du toit, un animal fantastique, chien ou lion, s’avance vers la façade en ouvrant sa large gueule, en hérissant sa queue et sa crinière.

Dès huit heures du matin, l’heure du dragon, la foule s’amassait devant la façade du Grand-Théâtre. Ceux qui n’avaient pas l’espoir de pouvoir y entrer, voulaient au moins jouir du spectacle brillant de l’arrivée des riches particuliers et des femmes élégantes.

De chaque côté de la porte principale, à laquelle on accède par un large escalier, sont dressées de hautes estrades sur lesquelles plusieurs délégués des acteurs de la troupe s’avancèrent, en toilette de ville, l’éventail à la main. Dans un style pompeux, avec des gestes et des grimaces réjouissants, ils vantèrent au public les pièces que l’on allait représenter, la splendeur des costumes et de la mise en scène, le mérite incomparable des acteurs ; puis, lorsque ce sujet fut épuisé, ils amusèrent la foule par toutes sortes de plaisanteries, de quolibets, d’anecdotes débités avec une gravité comique et accompagnés du mouvement perpétuel de l’éventail, manié d’une façon habile et gracieuse.

Bientôt le public favorisé, qui a pu retenir des places à l’avance, arrive de tous côtés. Sur les deux ponts, qui se courbent au-dessus du canal à droite et à gauche du théâtre, les norimonos, les cangos, s’avancent au pas régulier des porteurs, se succèdent sans discontinuer ; de toutes les rues débouchent d’autres palanquins. La laque noire luit au soleil, les toilettes des femmes, qui se hâtent d’entrer, ont l’éclat frais de