Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/358

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d’Omiti, écoutant, les lèvres entr’ouvertes, le chant douloureux de la jeune fille, avait été surprise de voir soudain les larmes enfler les yeux de la chanteuse mais elle avait cru que c’était là une ruse séduisante, et rentrée chez elle s’était efforcée de pleurer, en faisant vibrer les cordes de son instrument.

Sous son manteau de neige, derrière les fenêtres closes, et bien qu’elle parût silencieuse du dehors, la maison de thé était pleine de monde et de tumulte.

Depuis plusieurs semaines déjà, elle était envahie journellement par une foule de gens de toutes les classes du peuple, qui semblaient s’y réunir dans un but secret. Le maître de l’établissement était sans nul doute d’accord avec ces hommes ; il se mêlait toujours à leur conversation ; il paraissait même souvent la diriger, l’envenimer. On parlait des affaires du pays : la misère était affreuse ; cette guerre civile, survenant à l’époque où les champs avaient le plus besoin des soins de l’homme, avait fait tort aux récoltes ; plusieurs avaient été complétement détruites par les armées, les autres avaient été mauvaises ; une disette menaçait toute la partie du royaume qui appartenait encore à Fidé-Yori. Le nord, au contraire, avait été préservé et était florissant. Tandis que le riz manquait dans les environs d’Osaka, on le donnait à moitié du prix ordinaire dans les provinces septentrionales ; mais Hiéyas s’opposait absolument à ce qu’on en exportât dans le sud. Le siogoun ne s’occupait pas d’en faire venir d’ailleurs. Tandis que le peuple mourait de faim, la cour étalait un luxe sans pareil : tous les jours, des réceptions, des fêtes, des banquets. Yodogimi soulevait l’indignation populaire ; elle épuisait le trésor. On avait augmenté les impôts et diminué les salaires. Évidemment, c’était une démence.