Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/391

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par la flamme divine du Soleil, je dois méditer sur son essence mystérieuse et créatrice, m’absorber dans sa splendeur, me laisser pénétrer de ses rayons, m’identifier avec la lumière et devenir aussi pure qu’elle-même, jusqu’au jour où mon âme s’envolera et recevra la récompense méritée.

— Pardonne-moi, dit le prince ; que t’importe, en effet, le désespoir d’un homme, j’étais fou de supplier. Vois, je suis calme à présent, calme comme les morts dans leur tombeau. Pardonne-moi d’avoir blessé tes oreilles par des paroles trop humaines.

— J’ai le pouvoir de pardonner maintenant, dit-elle, et je t’absous de toute mon âme ; relève-toi, ami, il faut nous séparer.

Ils retournèrent sur leurs pas.

À l’issue de cette allée, baignée d’une clarté diffuse, tout serait fini pour eux ; ils se quitteraient pour ne plus se revoir. Malgré elle, la grande prêtresse ralentissait le pas. Le calme subit du prince l’épouvantait, elle sentait bien qu’il était le résultat d’une résolution irrévocable. Il se taisait et la regardait avec une expression d’apaisement.

— Il veut mourir, se dit-elle.

Mais elle sentait que rien de ce qu’elle pourrait dire n’ébranlerait sa décision.

Ils avaient atteint le bout de l’allée et s’avançaient sur la terrasse.

— Adieu, dit-elle.

En prononçant ce mot, il lui sembla que son cœur se brisait dans sa poitrine ; elle fut sur le point de tomber dans les bras du prince et de lui crier :

— Emmène-moi, fuyons où tu voudras !

— Adieu, murmura-t-il, n’oublie pas que tu m’as donné un rendez-vous sur le seuil de l’autre vie.