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le collier des jours

famille garda toujours pour moi, serait incompréhensible.

Pauline, qui avait cinq ou six ans, était naturellement la moins soumise à mes volontés, elle me résistait quelquefois et, vite rappelée à l’ordre, demeurait boudeuse, avec, je le crois, de la jalousie.

Jalouse, je l’étais bien plus qu’elle, moi, quoique plus nouvelle encore dans la vie ; ce n’était d’aucune des personnes de la famille, mais d’un étranger, que je ne voyais que rarement, trop souvent encore, à mon idée.

Avant moi, ma nourrice avait élevé un autre enfant, frère de lait de Pauline ; il habitait Paris, et elle allait le voir de temps en temps. Comme elle ne me quittait jamais, j’y allais naturellement aussi.

Pourquoi étais-je horriblement jalouse de cet enfant ? Comment comprenais-je si bien qu’il avait été avant moi, ce que j’étais alors, et pourquoi cette idée m’était-elle insupportable ? je ne me l’explique pas, mais la souffrance est certaine, et c’est par elle que je me souviens si bien.

Comme toujours le décor m’apparaît très précis, on dirait éclairé par la lueur du sentiment qui s’est produit là.

Je revois au rez-de-chaussée, — je ne sais où,