cident comique, résultat d’une méchante espièglerie de ma sœur et de moi, dirigée contre l’institutrice.
La passion de Mlle Huet pour les escargots n’était pas égoïste : pieusement, en rentrant à Paris, elle en rapportait à sa mère plein un panier de tout vivants. Dès l’aube, elle était allée les cueillir sur les vignes roussies par l’automne, tenant secrète son expédition, car elle savait notre répugnance à tous pour son mets favori. Aussi ne soufflait-elle mot sur le colis supplémentaire qu’elle emportait, posé à terre, dans le wagon, et à demi dissimulé par sa jupe.
Tout de suite ce mystérieux paquet nous avait intriguées et nous n’avions pas été longues à découvrir, par le cliquetis des coquilles grouillantes, ce qu’il contenait.
La malice fut vite résolue : le panier adroitement entr’ouvert ; et, le coup fait, la contemplation innocente du paysage nous absorba complètement.
Le cri que nous attendions, sans avoir l’air d’y penser, ne tarde pas à éclater : l’exode des escargots est commencée : cornes tendues ils explorent la voiture et les jambes des voyageurs, argentant les vêtements, engluant les capitons. On s’affole, des écrasements flasques craquent sous les pieds ; Mlle Huet, cramoisie et conciliante, cherche à rattraper les fugitifs pour les replonger dans leur geôle, mais ma mère, impitoyable, empoigne le panier et envoie le tout par la portière.