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le second rang du collier

trions aucune ardeur à l’étude. Pour ma part, j’avais gardé de ma première instruction musicale, et des verges vinaigrées de la sœur Fulgence, un souvenir plein de rancune : j’étais bien persuadée que je n’aimais pas la musique. De vagues professeurs étaient parvenus cependant à nous en donner quelque idée. Dans les derniers temps, même, le mari d’Alphonsine, Alexandre Lafitte, s’était chargé de nous instruire. Mais, comme nous étions très peu empressées au travail, il ne s’intéressait guère à ses élèves. Il nous faisait étudier d’assez mauvaise musique : je m’acharnais particulièrement sur une Valse espagnole, d’Ascher, boléro quelconque qui « faisait de l’effet ». Nous avions l’ordre, pendant les heures d’étude, de nous exercer au déchiffrage, et l’on m’avait confié, pour cela, un cahier de polkas, valses, quadrilles et autres pages de danses vulgaires.

Un jour, tournant les feuillets, je lus ce titre : l’Invitation à la Valse, par Karl Maria de Weber. Cela ne m’apprenait rien de particulier, et je commençais à déchiffrer, nonchalamment, comme d’habitude… Mais, alors, une espèce de miracle se produisit ; il fut si brusque, si inattendu, que toutes les vieilles métaphores sont les meilleures pour l’exprimer : « les écailles me tombèrent des yeux » ; « un voile se déchira devant mon esprit » ; « la lumière resplendit soudain dans les ténèbres »… Après quelques lignes, et jouées Dieu sait com-