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le second rang du collier

tient captive, ne quitte plus le jeune seigneur. Il emploie tous les moyens possibles pour découvrir la vérité ; ne pouvant arriver à rien, il a l’idée de s’adresser à un magnétiseur fameux et de l’intéresser à ses recherches. Celui-ci parvient à endormir le luthier, qui raconte, malgré lui, toute l’histoire de son crime : il a attiré un soir chez lui, sous un prétexte, la diva, et, sans la faire souffrir, il l’a tuée, par amour de cet art auquel elle consentait à renoncer. Elle, qui était comme une lyre vivante, allait devenir une simple comtesse ; elle, dont tous les nerfs, toutes les fibres, vibraient, avec sa voix de cristal, comme les cordes d’un violon ! Le luthier seul pouvait la sauver et, en même temps, parachever le chef-d’œuvre auquel il avait pensé toute sa vie : le violon sensible et conscient. Mais, pour cela, la chanteuse devait mourir, et il la tua sans hésiter.

« Ses longs cheveux blonds et soyeux sont devenus les fils de l’archet ; de ses entrailles précieuses furent formées les cordes !

« L’amoureux, ivre de rage, ne veut pas en entendre plus. Il se jette sur le luthier et l’étrangle. Puis il met le feu à la boutique et s’enfuit en emportant le violon…

« Voilà, c’est tout… »

Le visage de mon père, toujours agenouillé dans son grand fauteuil et qui m’avait écoutée avec beaucoup d’attention, exprimait la stupeur. Il poussait