Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
158
le second rang du collier

loge ; lorsqu’on ne lui envoyait que deux places, il les donnait à Toto, qui lui rendait alors compte de la pièce.

Pendant les représentations, nous étions chargées, ma mère, ma sœur et moi, de bien écouter, tandis que le père se promenait dans les couloirs, fumait un cigare sur le perron, ou somnolait au fond de la loge. Au retour, tassés tous les quatre dans la voiture, et longuement cahotés à travers la nuit, nous lui racontions, dans le bruit des roues et le cliquetis des vitres, l’intrigue et les péripéties du drame, ou de la comédie, que nous venions de voir.

Il nous fallait garder le souvenir des différentes pièces jouées pendant la semaine, au moins jusqu’au dimanche suivant, afin que le père, au moment d’écrire son article, pût contrôler l’intégrité des comptes rendus.

Le dimanche se levait pour nous dans une atmosphère grise et mélancolique. Pas de chansons matinales, pas de déclamations fantaisistes et tonitruantes. Le père s’habillait, pour sortir, aussitôt levé, et le déjeuner était servi encore plus tôt que d’ordinaire.

C’était le jour noir, le jour du feuilleton. Théophile Gautier allait l’écrire au journal même, et il n’y avait pas une ligne faite d’avance. On connaît sa fameuse réponse à ceux qui le pressaient de travailler un peu, dans la semaine, à son article :