Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
le second rang du collier

fiacre continuait sa route vers le lointain boulevard du Temple. Nous étions maintenant des enthousiastes. Les symphonies de Beethoven, surtout, nous avaient transportées. Rien ne nous arrêtait quand il s’agissait d’aller aux Concerts populaires, ni la pluie ni la neige, ni la distance ; même le soir, nous ne redoutions pas l’expédition, malgré le retour hasardeux, à des heures indues.

Je me souviens d’un certain vendredi saint, où il faisait vraiment un temps abominable. Arrivées à la porte Maillot, sous les rafales et la pluie torrentielle, nous donnâmes l’adresse du Cirque d’Hiver à un cocher, qui demeura stupide et ne put s’empêcher de nous dire :

— Qu’est-ce que vous pouvez bien aller faire, si loin, par un temps pareil, un vendredi saint ?…

On jouait la symphonie avec chœur de Beethoven ! Nous y serions allées à pied ! C’est ce que le cocher ne pouvait comprendre.

S’il faisait beau, ou simplement s’il ne pleuvait pas, le retour du Cirque d’Hiver, le dimanche, était un très agréable moment. Nos amis et connaissances, qui assistaient au concert, nous attendaient à la sortie, et l’on descendait ensemble le boulevard, par groupes joyeux, au milieu du flot de public qui suivait la même route.

Ah ! les beaux enthousiasmes, la joie ardente de découvrir des chefs-d’œuvre, les chaudes discussions, sur le mérite d’un morceau, ou sur la façon