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le second rang du collier

jours si tard, ce jour-là, « Bœuf en Chambre », bon musicien, se mettait au piano et jouait des fragments, de ce que nous avions entendu le jour même ; ou bien il prenait une partition de Wagner, — il y en avait déjà chez nous, — et il essayait de la déchiffrer, d’en pénétrer les mystères…

L’affreux scandale de l’Opéra, à propos de la représentation du Tannhäuser, avait eu un grand retentissement parmi nous, et depuis ce temps Richard Wagner nous préoccupait beaucoup.

La répétition générale du Tannhäuser avait été marquée pour moi par un incident assez singulier. J’étais alors en pension, mais c’était un jour de sortie ; mon père nous emmenait, ma sœur et moi, à Paris, pour nous présenter à Mme  Victor Hugo, qui faisait un court séjour en France et nous avait invitées à dîner. Nous la voyions pour la première fois.

Théophile Gautier n’était pas chargé, à cette époque, de la critique musicale. Il n’avait donc pas de « service » à l’Opéra ; mais ma mère était parvenue à voir le compositeur, qui l’avait reçue très courtoisement et lui avait donné une place pour la répétition générale. Il était convenu qu’après notre dîner nous irions la prendre, à la sortie du théâtre, pour rentrer ensemble à Neuilly. Nous nous promenions donc, vers minuit, en l’attendant, dans le passage de l’Opéra. Il fut brusquement envahi, au moment de la sortie, par une foule, qui