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le second rang du collier

À côté de la Perle noire est un tout petit cadre admiré de tous : c’est simplement un banc de pierre au fond d’une allée, dans un coin de parc solitaire (personne n’est assis sur ce banc). Mais des souvenirs doux et tristes semblent l’envelopper. Autrefois, de tendres promeneurs s’y sont reposés, se parlant bas et longuement ou bien, peut-être, silencieux et émus ; alors les arbres complices ont caché, de leur verdure impénétrable, de frais baisers rapides et tremblants. Puis le vent d’hiver a soufflé ; la ruine et la mort ont passé par là, et le parc est resté désert ; le banc s’est recouvert d’un linceul de mousse, et les arbres, autour de lui, laissent traîner tristement à terre leurs branches dépouillées.


Pour m’encourager et me persuader que c’était très bien, Théophile Gautier reprit cet embryon d’idée ; il en fit un chef-d’œuvre, le fameux poème, qu’il dédia au peintre lui-même :


LE BANC DE PIERRE

<poem style="margin-left:7em; font-size:90%">

Au fond du parc, dans une ombre indécise, Il est un banc solitaire et moussu, Où l’on croit voir la Rêverie assise, Triste et songeant à quelque amour déçu. Le souvenir dans les arbres murmure, Se racontant les bonheurs expiés ; Et, comme un pleur, de la grêle ramure

Une feuille tombe à vos pieds.

Ils venaient là, beau couple qui s’enlace, Aux yeux jaloux tous deux se dérobant, Et réveillaient, pour s’asseoir à sa place, Le clair de lune endormi sur le banc. Ce qu’ils disaient, la maîtresse l’oublie ; Mais l’amoureux, cœur blessé, s’en souvient, Et dans le bois, avec mélancolie,

Au rendez-vous, tout seul, revient.