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le second rang du collier


Pour l’œil qui sait voir les larmes des choses,
Ce banc désert regrette le passé,
Les longs baisers, et le bouquet de roses,
Comme un signal à son angle placé.
Sur lui la branche à l’abandon retombe,
La mousse est jaune et la fleur sans parfum ;
La pierre grise a l’aspect de la tombe
Qui recouvre l’amour défunt !…


Ces réunions d’artistes illustres, ou inconnus encore, qui formaient, à cette époque du Salon, une véritable cour autour de mon père, m’effarouchait assez, et, si elles n’étaient pas composées de quelques-uns de mes bons amis, tels que Puvis, Paul Baudry, Hébert et quelques autres, je fuyais, car je redoutais les peintres et les sculpteurs par-dessus tout. Cela, à cause de mon nez : mon père ne manquait jamais d’en faire admirer le style classique à ceux qui étaient capables de l’apprécier ; il me poussait du doigt, par le menton, pour me mettre le visage dans la bonne pose, et rien ne m’humiliait et ne m’agaçait autant que cette cérémonie.

Je ne voulais pas le contrarier, mais, aux coups de sonnette, du haut de la fenêtre, j’examinais les nouveaux venus : dès que je devinais, en l’un d’eux, un peintre ou un sculpteur, non encore initié à mon profil, je me hâtais de disparaître, sous la penderie du cabinet de toilette, où je m’ennuyais, patiemment, de longues heures. L’instant venait où l’on me cherchait, où l’on m’appelait avec insis-