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le second rang du collier

J’ai retenu encore ce distique tout récemment composé :


Sans cesse j’évoque l’image de ma bien-aimée absente,
Et toujours elle s’efface, comme un dessin tracé sur l’eau.


Maintenant, père, je vais te dire un secret ! J’avais promis de le garder, mais je le viole sans remords, certaine que je suis de te faire plaisir… Nono a écrit des vers, mais il ne veut pas qu’on le sache ; il ignore même que j’ai son sonnet ; c’est madame Ganneau qui le lui a chipé, pour me le donner.

— Cela ne m’étonnerait pas du tout que Nono ait du talent… En tout cas je respecte cette pudeur, et, si ses vers sont par trop maladroits, je serai censé ne les avoir pas lus.

Je saute hors du hamac pour courir chercher le sonnet de Clermont-Ganneau dans la cachette où je le garde. Quand je reviens, mon père tend vers moi une main impatiente, avec cette curiosité intense qu’il a pour tout ce qui est écrit.

De très près, sans monocle, attentivement, il lit le sonnet que voici :


LUX


Quand passe, ventre à terre, un cheval indompté,
Dans son galop sans frein semblant avoir des ailes,
On voit souvent jaillir, parmi l’obscurité,
Sous son ongle de fer, des gerbes d’étincelles.