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le second rang du collier


Et toi, pareillement, sombre fatalité,
Coursier qui n’as jamais connu ni mors ni selles,
Sous ton sabot d’acier foulant l’humanité,
Tu réduis, sans les voir, bien des cœurs en parcelles.

Mais de ces cœurs meurtris et broyés sous le choc
Jaillit une étincelle ainsi que sur le roc,
Étincelle éclatante au milieu des ténèbres !

Ô grands penseurs, frappés par le destin jaloux
Sur notre route obscure, ô martyrs ! c’est donc vous
Qui seuls illuminez les profondeurs funèbres !


Je ne regrette pas ma trahison, car mon père trouve la pensée très belle et la facture du sonnet déjà habile ; il est tout heureux de voir l’adolescent qu’il aime se révéler poète. Mais cela ne le surprend pas.

Le jeune Nono, félicité de toutes parts, ne m’en veut pas trop de l’avoir dénoncé, et Mme Ganneau a la joie d’entendre dire à Théophile Gautier :

— Je signerais ces vers-là sans hésiter !



Nos meilleures journées étaient celles que nous pouvions passer à la maison, seules avec le père, et elles semblaient lui plaire autant qu’à nous-mêmes. Nous les connaissions d’avance : elles revenaient toutes les quinzaines ; la maman sortait, pour faire des visites, déjeuner et dîner chez des amies.

Il était entendu, qu’alors il n’y avait plus d’auto-