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le second rang du collier

Ils attendaient le retour de Théophile Gautier, dînaient avec nous, prolongeaient le plus possible la soirée ; puis, après un dernier tour de valse, ils s’en allaient, et pendant de longs mois on ne les revoyait plus.



Dans notre vestibule, au-dessus de la porte de la salle à manger, était accroché le « massacre » d’un taureau espagnol, tué dans une course par une épée fameuse.

La courbure élégante des deux cornes, lisses et effilées, élargissant la forme d’une lyre, faisait un bel effet, et rappelait la corrida émouvante à laquelle mon père et ma mère avaient assisté. Des cocardes vertes, terminées par un flot de rubans, de celles que les banderilleros piquent dans la chair des taureaux, complétaient le trophée ; le vainqueur, un genou à terre devant la loge, les avait offertes, toutes sanglantes encore, à ma mère, peu sensible à cet hommage et toute bouleversée : — l’horrible spectacle lui valut une maladie nerveuse dont elle ne se remit qu’à grand’peine.

Théophile Gautier, lui, raffolait des courses de taureaux, ce que nous ne pouvions comprendre, étant donné son amour pour les bêtes. Il essayait de nous expliquer, comment la beauté du spectacle fascinait, au point qu’on prenait à peine garde à