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le second rang du collier

nait pas en lui. Il se pliait le mieux qu’il pouvait à sa vie nouvelle, ponctuel à son bureau, appliqué à son travail ; mais sa susceptibilité chatouilleuse endurait difficilement la moindre observation : malgré ses efforts, la patience lui échappait souvent.

Après quelques mois, il fut brusquement révoqué par le directeur de la Compagnie d’assurances. Que s’était-il passé ?… Nous étions désolés. Jamais il ne serait possible de retrouver une aussi bonne position, mais le descendant des San Valentino ne regrettait rien et paraissait très fier de lui.

— Vous comprenez qu’un gentilhomme comme moi ne peut pas supporter un manque d’égards, disait-il ; ces gens-là n’avaient aucune idée des convenances, et je leur ai appris à vivre…

« Ces gens-là », c’étaient ses chefs, et le procédé, simple et définitif, de M. le duc pour leur enseigner les belles manières, consistait à leur envoyer les registres par la figure.

Après de longues démarches, on entrevit la possibilité de le voir entrer au Crédit Lyonnais. Il nous fit de solennelles promesses, donna sa parole de gentilhomme qu’il supporterait tout, et que le noble San Valentino ne se formaliserait plus des avanies faites à M. Antonin. Serment vite oublié : à peine installé depuis quinze jours, le nouvel employé se voyait contraint d’apprendre à vivre à ses nouveaux patrons et, encore une fois, les registres volaient en l’air.