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le second rang du collier

le poète, lui donner du cœur à l’ouvrage, qu’il veut lui montrer de quelle façon il le jouerait. Mais, lorsqu’il s’agit de théâtre, Théophile Gautier éprouve toujours une sorte de timidité, une appréhension des angoisses à subir ; la perspective, d’être livré tout vif aux lions du parterre, l’épouvante, et, avant que la pièce soit faite, il parle déjà de s’expatrier, le soir de la première, de ne lire aucun journal et de ne revenir que plusieurs mois après.

Le résultat de la lecture fut néanmoins excellent : le travail avança plus vite, — pour s’interrompre de nouveau, hélas ! être abandonné, rester inachevé. — Toujours les corvées tyranniques brisaient l’inspiration ; toujours manquait l’indépendance indispensable à une œuvre de longue haleine.

Il n’est resté aucun scénario de la pièce ; les fragments publiés ne vont pas plus loin que le milieu du second acte ; mais mon père nous avait raconté le sujet tout au long.

Georges d’Elcy, comme l’Arnolphe de l’École des Femmes, a élevé, pour l’épouser plus tard, une jeune fille qu’il a recueillie. Lavinia est intelligente, spirituelle, artiste et divinement belle ; son jeune tuteur en est éperdument épris et la refuse rageusement à tous ceux qui viennent lui demander sa main. Il ne sait pas s’il est aimé, il n’ose pas se déclarer, tant il redoute de voir son rêve s’évanouir. Devant l’insistance des prétendants, il se décide :