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le second rang du collier


La maison s’arrange peu à peu : tout le monde y met la main. Marianne se multiplie, coud des rideaux, plante des clous, dégringole et remonte l’escalier vingt fois dans une heure.

Mon père a mis son monocle carré devant son œil et le retient d’un froncement de sourcil. Il surveille le travail, dirige la belle ordonnance des tableaux, d’après le principe établi : « Toujours aligner les cadres par le bas. »

Mais il est difficile de suivre la règle, sans exception. Il y a trop de choses à placer et certaines toiles se logent si bien dans les vides !

Déjà, les murs de l’escalier disparaissent sous les gravures et les esquisses : c’est très gai et on ne peut s’empêcher de flâner, en se laissant glisser le dos à la rampe, lorsqu’on descend. L’histoire d’Othello, racontée par Théodore Chasseriau en nombreuses eaux-fortes, qu’encadre une bande d’or grenu, se déroule de marche en marche, et, avant d’avoir lu le drame, je savais par cœur toutes les légendes des scènes illustrées.

Il y a aussi une gravure d’après le Laocoon, une tête de Léda plus grande que nature, très violacée, et qui lève de gros yeux humides vers le Cygne ; une délicieuse Charlotte Corday, dont nous voudrions bien avoir le bonnet pour nous en coiffer