Page:Gautier - Le Second Rang du Collier.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
60
le second rang du collier

pression, tandis qu’il lit… Je suis vite rassurée… Sa figure s’éclaire. Il est enchanté :

— On dirait du Henri Heine ! Je devinais bien, moi, que tu avais le don.

Et il presse le pas pour aller porter la bonne nouvelle, pendant que nous ébauchons derrière son dos une gigue discrète, en narguant peut-être bien d’un pied de nez la punition de Damoclès, qui ne tombera pas.

En effet, lorsqu’il se heurte à la bourrasque, c’est lui qui gronde, contre son habitude, et, tout à son plaisir, il ne veut pas même entendre le récit de nos méfaits.



D’une fenêtre du premier, je regarde dans la rue. C’est un vilain jour d’automne, où tout est noyé de pluie ; cependant il y a une éclaircie, un pâle rayon de soleil m’a donné l’envie d’ouvrir et de me pencher au dehors. Personne ne passe ; le fossé, en face, semble un ruisseau, et, au delà, dans le jardin des fous, les branches mouillées s’égouttent sur les allées désertes.

Quelqu’un marche pourtant, au loin, venant de l’avenue de Neuilly : un homme, qui s’avance lentement et d’une allure singulière. Il longe le fossé et, sur le trottoir, qui de ce côté-là n’est pas pavé, pétrit la boue jaune sous ses pieds. Un chien