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le second rang du collier

Les ailes de cheveux s’abattant sur ses tempes
Et tous les nobles traits de vos saintes estampes.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Que peuvent tous nos vers pour rendre la beauté ?
Que peuvent de vains mots sans dessin arrêté,
Et l’épithète creuse et la rime incolore ?
Ah ! combien je regrette et comme je déplore
De ne plus être peintre, en te voyant ainsi
À Mosè, dans ta loge, ô Giulia Grisi !


La diva est un peu forte maintenant, et ses traits s’empâtent et s’estompent ; le doigt implacable du destructeur tire un peu vers le bas les coins de la bouche ; mais l’ensemble est noble et superbe ; le port de la tête, la chaude pâleur, la douceur inquiétante des yeux glauques, sous le noir des lourds cheveux ondés, gardent un charme extrême. Elle porte une jupe de taffetas noir, dont les sept volants sont interrompus par la traîne tout unie qui les recouvre à moitié ; le corsage décolleté laisse voir, sous un réseau de dentelle, les épaules rondes et les bras blancs.

Mario, lui aussi, fut un type de beauté remarquable : coqueluche des douairières et bourreau de bien des jeunes cœurs. Il n’entend pas renoncer à cette royauté et s’y cramponne d’une main élégante. C’est un très grand seigneur : marquis de Candia et officier dans les chasseurs sardes. Un coup de tête l’a jeté hors de son milieu et poussé vers la carrière artistique, où il a trouvé la gloire : aussi il n’a rien de la suffisance coutumière des ténors et montre une suprême distinction. Il a dû ressem-