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le second rang du collier

La journée s’annonce morne et longue, dans la maison silencieuse, séparée de la ville par des steppes de neige, que nul visiteur ne peut, raisonnablement, s’aventurer à franchir.

Nous sommes donc résignées à voir s’écouler bien lente cette après-midi froide, ne nous doutant guère qu’elle marquera, au contraire, un point brillant dans nos souvenirs.

Vers les trois heures, un brusque coup de sonnette éveilla le silence.

Cela nous fit peur d’abord. Qui pouvait venir, par ces chemins gelés ? Toujours, l’idée de quelque accident arrivé au père nous angoissait.

De la salle à manger, l’œil à un entre-bâillement, nous regardions ouvrir la porte d’entrée.

Une dame en noir, à l’air noble et doux, parut, accompagnée d’un garçon assez grand qui portait l’uniforme de Sainte-Barbe. La dame demanda mon père, et, sur la réponse qu’il était absent, elle fit passer sa carte à ma mère, en la priant de la recevoir.

Dès que Marianne eut refermé, sur les visiteurs, la porte du salon, nous nous élançâmes, pour savoir le nom.

— Fais voir la carte ?… Madame Veuve Ganneau

Ma mère descendit et s’enferma avec les inconnus ; mais bientôt le salon se rouvrit : on nous cherchait.