Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

engagé entre des Francs et des Arabes, dans une mêlée féroce atteignant son paroxysme. Tous les bruits de la montagne, le grondement continu des torrents et des cascades avaient sans doute couvert le bruit de ce carnage, enfermé dans cette gorge étroite, qui en gardait la clameur sinistre et en buvait le sang. Et ainsi, brutalement, le danger se révélait trop tard pour qu’on pût l’éviter.

Masquée à demi par des buissons, une grotte ouvrait sa bouche obscure, à quelques pas dans le vallon. Gazileh et Nahâr se réfugièrent là, tandis qu’on dételait les mules, qui menaçaient de tout briser et ne pouvaient tourner dans le sentier trop étroit. Les gens de l’escorte rebroussèrent chemin, afin de chercher, sans doute, une autre issue.

Une poussière brûlante emplissait ce val, mêlée à une buée de sueur et de sang, que le soleil vaporisait. On entendait, au milieu des hurlements de rage ou de douleur, d’affreux chocs, des grincements de métal, des coups sourds, et, confusément, l’on voyait des chevaux renversés, donnant des ruades d’agonie ; des hommes, pareils à d’étranges monstres luisant d’écaillés, s’élreignant comme pour s’embrasser ; des bras levés qui