Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/121

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ruissellent par le fait des épées et qu’une larme de pitié vaut tous les diamants du monde.

— Tais-toi, folle. C’est le premier devoir des femmes, en ce temps de constantes batailles, de savoir panser les blessures… N’en avez-vous pas d’autres, chevalier, que celle qui, si douloureusement, vous meurtrit le front ?

— Qu’importe ? dit le jeune homme, d’une voix pleine de douceur. Je vais mourir, puisque vous êtes là !

— Me prenez-vous pour Israfil, l’ange de la mort ?

— Vous êtes la récompense de toutes mes peines terrestres, vous êtes celle qui emplissait mon cœur de douleur et de délices… J’ai demandé à Dieu de vous voir une fois encore et de mourir, et Dieu m’a entendu.

— Il a le délire, Nahâr, dit Gazileh.

— Un délire heureux, en tout cas, car son visage exprime la plus douce extase.

— Oui, cette folie est une grâce du ciel ; elle l’empêche de sentir son mal.

— J’ai toute ma raison, dit le chevalier. Il y a trois ans, étant prisonnier de guerre, je vous ai vue à Djébélé.