Page:Gautier - Le Vieux de la montagne, Armand Colin et Cie, 1893.djvu/39

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est cause qu’on les appelle ainsi, dit Raymond de Tripoli : un philtre magique que le chef sait composer et qui donne d’enivrantes extases.

— Ah ! j’aimerais à en goûter, dit Eschive, ne pourrait-on s’en procurer ?

— Vraiment, êtes-vous folle, ma femme ? Voulez-vous donc vous damner ?

— Le sortilège de votre beauté ne met déjà que trop les âmes en péril, dit le roi. Vous n’avez que faire d’un philtre.

— Mais ce serait pour le boire moi-même, répliqua Eschive, qui riait de tout son cœur.

De nouvelles fanfares, annonçant l’entrée dans la ville de l’ambassadeur du Prince des Montagnes, ramenèrent la noble compagnie au bord des créneaux.

— L’envoyé n’a qu’une très petite escorte, fit remarquer Amaury : il se confie à notre loyauté.

Bientôt Homphroy du Toron parut sur la terrasse. Il venait rendre compte au roi de sa mission. Mais, en voyant la princesse Sybille tout auprès d’Hugues de Césarée, il s’arrêta, le visage altéré, et les enveloppa d’un regard noir.

Le connétable avait dix-huit ans à peine, et il était un peu grêle encore, mais plein d’une grâce