Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des plus anciens de Florence, puisque sa fondation remonte au xiiie siècle ; emporté par un débordement, il a été reconstruit par Ammanate, l’architecte du pont de la Trinité, dont nous parlions tout à l’heure.

À ce pont se rattache une légende assez étrange. Au mois de mai 1304, une bizarre annonce répandue dans Florence faisait savoir aux habitants « que ceux qui désiraient avoir des nouvelles de l’autre monde n’avaient qu’à se rendre sur le pont alla Carraïa. »

Cette invitation singulière, et qui vaut bien toutes les attractions combinées dont fait usage le puff anglais, attira une foule énorme sur le pont alla Carraïa, dont les piles étaient de pierre et les arches de bois.

L’idée de l’enfer résumée quelques années ensuite dans le grand poème cyclique de Dante occupait alors toutes les cervelles ; les peintres couvraient les murailles des églises et des cloîtres de compositions diaboliquement fantastiques, que devait résumer plus tard, avec une maestria suprême, le Jugement dernier de Michel-Ange.

C’était donc une représentation de l’enfer qui se donnait sur le fleuve d’après les imaginations fantasques de cet extravagant de Buffamalco. L’Arno, change temporairement en Phlégéton, en Cocyte, était sillonné de