Page:Gautier - Quand on voyage.djvu/199

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barques noires dans le goût de la barque à Caron, qui promenaient des ombres accueillies à grands coups de fourche par des diables avec cornes, grilles, ailes onglées, queue en spirale, en tenue obligée de l’emploi ; un mélange de supplices païens et chrétiens, chaudières bouillantes, grilles, roues, tenailles, estrapades, bûchers, présentant toutes les variétés de tortures possibles et impossibles, avec force flamme et fumée, feux grégeois et autres artifices. D’énormes gueules d’enfer à la mode du moyen âge s’ouvraient et se fermaient, laissant voir, à travers un flamboiement rougeâtre, la foule des damnés tourmentés et géhennés par les diables.

Ce bizarre spectacle était donné, par les habitants du bourg de San-Fanfrediano, aux citadins de Florence, qui le payèrent chèrement ; car le pont rompit sous le poids de la foule ; un grand nombre de spectateurs tombèrent dans l’eau et dans les flammes, se noyant et se brûlant à la fois, et eurent, comme le promettait l’annonce, des nouvelles directes de l’autre monde en allant les chercher eux-mêmes.

On nous a raconté qu’un événement de ce genre faillit arriver à Paris sous l’Empire, à propos d’un feu d’artifice qui se tirait sur le pont Royal. Au moment où les premières fusées partirent, la foule stationnée sur le